BLOG DES AMIS DE PAUL-ÉRIC BLANRUE --- ARCHIVES, ACTUALITÉS, PROSPECTIVES --- DÉMYSTIFICATION ET CONTRE-HISTOIRE

samedi 23 mai 2015

Vive l'amour !





Qui vient d'obtenir la première licence pour établir la liaison maritime entre Miami et La Havane ? La société "Baja Ferries" de Daniel Berrebi. Cocorico ! Un vrai Français de souche, conforme au modèle déposé par les identitaires, s'exporte et fait régner la liberté sur les mers du globe. Finkielkraut peut ranger ses pilules, l'homme n'est point un Sarrasin excavé du 9-3 mais un Gaulois pur beurre ; la preuve, Berrebi le dit lui-même : "Je suis né dans une famille juive à Tunis où j’ai grandi. Je suis né français de parents et grands-parents français". Auguste lignée de Berrebi devant laquelle, cerné de tous côtés par mes indomptables gènes italiens, je ne puis que m'incliner, tirant mon tricorne vénitien à cet aristocrate de la Soucherie qui initie le grand retour du commerce dans une île qui en était à peu près préservée depuis une cinquantaine d'années. Comme disait Mao, "le chemin est tortueux, mais l'avenir est radieux !"
Après l'aventure Berrebi, l'affaire Agnès Saal. Il était écrit que les juifs tunisiens seraient à l'honneur ces jours-ci. Évincée de l'INA pour frais astronomiques de taxis, la dame trouve aussitôt un siège au ministère de la Culture. Et alors ? N'est-ce pas justice, et mieux que cela : justice mémorielle ? Ses aïeux ont travaillé dur dans le négoce et la banque tandis que nous nous la coulions douce dans nos fabriques, nos usines et nos vertes campagnes. Il ferait beau voir que le mérite des agioteurs ne fût point récompensé, et que de mérites coûteux en mérites dispendieux, ces gens-là ne parvinssent pas à accéder à une certaine forme d'impunité.
Je plaisante. Pour tout reprendre à zéro sur ce sujet, je vous suggère la lecture d'un indispensable livre, best-seller dans la communauté, que m'a jadis offert un singulier antiquaire parisien, membre d'icelle :  Le Siècle juif de Yuri Slezkine, professeur d'histoire et directeur de l'Institut d'études slaves, est-européennes et eurasiennes à l'université de Californie à Berkeley. Je raconterai un jour comment j'en suis venu à sympathiser avec ce marchand d'art qui m’a fait cadeau du précieux ouvrage sous la statue de l'illustre Voltaire, lors d'un repas organisé au restaurant du même nom, sur les quais de Seine, dans l’immeuble où mourut Jacques Vergès.
À propos de l'auteur de Candide, je viens, avant de rédiger cette chronique, de regarder sur le Net la conférence du 1er avril 2015 donnée par Jean Bricmont sur le thème de la liberté d'expression "de Voltaire à Chomsky". Organisée à l’université de Grenoble dans le cadre du cycle présenté par le CORTECS ("Connaissances censurées ? Sciences et liberté d’expression"), son intervention a suscité une vague d'indignations chez les belles âmes qui ont proféré des menaces de sabotage, lancé des tentatives d’intimidation, adressé une requête pour annulation auprès des instances universitaires.
Ce qui dit Bricmont est intéressant et plein de bonne volonté. Avec la ferveur du missionnaire, il plaide pour le droit à la liberté d'expression totale et pour tous ; à l’Américaine, version Premier Amendement. Hélas, Bricmont en est réduit à implorer les autorités de donner la parole à ceux que la propagande officielle désigne sous le nom d' « assassins de la mémoire » et de terroristes. Sa démarche revient purement et simplement à ajourner la liberté. S'il fallait attendre qu'on nous autorise à penser, nous pourrions languir durant des siècles avant qu'un mot non-conformiste daigne s'extraire de notre petite tête. 
Dans les circonstances actuelles (pression du lobby sans nom, forme du régime politique qui doit s’y soumettre ou mourir), militer pour l’abrogation de lois que l’on juge à bon droit attentatoires à la plus élémentaire des libertés revient à faire du pédalo sur le Niagara. On ne peut lutter contre un tel courant. En conséquence, l'affaire ne doit pas être à considérer sous l'angle théorique (aspect collectif et juridique) mais sous celui de la pratique (aspect de la valeur individuelle et de l'éthique). Un penseur ne peut suspendre sa parole jusqu'à ce que le demos et ceux qui lui tiennent la bride courte aient décidé d’approuver son droit à faire connaître le bilan de ses réflexions ; et un historien n’a pas à dissimuler les fruits de son travail parce que cela déplaît à un pays étranger.
Nous ne devons pas demander à être libres, nous devons tenter de le devenir, ou bien alors restons dans les rangs de la grande masse muette qui n'a cure de proclamer la vérité. 
Si tout un tas de lois liberticides sautaient par miracle, la plupart de nos contemporains, si bavards sous anonymat sur les réseaux sociaux, où ils se travestissent en héros et en saints alors qu'ils ne sont que des braillards maximalistes, ne parleraient pas davantage qu'aujourd'hui, tenons-nous le pour dit ; et quand bien même quelques personnes sorties du lot s'exprimeraient avec plus de décontraction, le système ferait en sorte de les ramener bien vite dans le droit chemin par le biais de pressions multiples (la mise à l'écart sociale étant l’option privilégiée).
La loi Gayssot a aggravé la répression contre les révisionnistes, mais cette répression existait auparavant de mille façons, souvent insidieuses, et l'on n'a pas vu de manifestations de rue pour soutenir la liberté de la recherche historique bafouée. La peur, la peur panique, est paralysante, car tout le monde sait de quoi il retourne. 
Il y a des natures qui osent, et puis d'autres qui n'osent pas et seront toujours tétanisées. Comparable est le parachutisme : face au vide, on saute ou on ne saute pas.
Pendant ce temps, les islamo-nihilistes, pansés et soignés en Israël, prennent d’assaut la fabuleuse cité de Palmyre. Il paraît qu'ils ont une devise : « Moins je me rase la barbe, plus je rase les villes ». Prions pour que ce joyau antique fasse exception. Prions aussi pour tout le reste, pendant que nous y sommes. Mais en ce qui concerne notre liberté : agissons ! Discuter de la liberté sans en user revient à parler d'amour sans le faire.

Paul-Éric Blanrue